Quatre siècles de règne
L'histoire de la Baronnie des Mévouillon, ou comment une famille a régné pendant 4 siècles sur les Baronnies Provençales.
L’histoire de la famille des Mévouillon s’étend sur quatre siècles. A l’origine, c’est une tribu gauloise, les Médulles qui va donner son nom à la célèbre famille. Au Vème siècle avant JC, cette tribu va participer à l’expédition du chef gaulois Bellovèze en Italie et fonder la ville de Mediolanum, plus connue sous le nom de Milan.
Ce n’est que 1500 ans plus tard qu’émerge une famille parmi les Médulles. Premier personnage à marquer l’histoire de cette famille : une femme ! Percipia. Même si elle n’a pas elle-même constitué l’empire des « Mévouillon », elle a su récolter le fruit des travaux de ses ancêtres et conforter sa position en créant la Grande Baronnie. De bonne noblesse, ses sœurs ont ajouté à la gloire du nom en épousant un Orange et un Peytieux (qui donna naissance à Diane de Peytieux / Diane de Poitier). Si l’histoire se souvient du nom de Percipia, elle a néanmoins oublié celui de son époux, donnant lieu à quelques hypothèses sur son identité, la plus probable restant Geoffroy de Volonne.
L’empire des « Mévouillon » s’étend à l’époque sur toute la Grande Baronnie et atteint la taille d’une province délimitée au sud par le Ventoux, le plateau d’Albion et la montagne de Lure, à l’ouest par la plaine du Rhône, à l’est par le Buëch et au nord approximativement par le Diois. Les villes et villages actuels tels que Montbrun les Bains, Reilhanette, Buis les Baronnies ou encore Nyons faisaient partie de la Grande Baronnie.
De son mariage, Percipia a eu quatre enfants, dont un fils, Ripert, par qui la seigneurie des Mévouillon va vraiment asseoir sa notoriété. Evêque de Gap mais aussi homme marié, il va trafiquer avec les biens de l’église et ainsi s’en faire révoquer en 1063. Percipia ayant fait de son vivant donation de son territoire, Ripert va profiter d’un confortable domaine et s’autoproclamer Baron de Medhulensis.
En 1082 lui succède son fils, également prénommé Ripert. Mais le suivi de l’histoire devient compliqué, la famille des Mévouillon ayant la fâcheuse manie de nommer deux ou trois de leur fils par génération Raimond (ou Raymond). Les pistes deviennent difficiles à suivre ainsi. En outre, les filles étaient souvent appelées Galbruge, ce qui augmentera encore la confusion dans les repérages biographiques des Mévouillon.
Ainsi, les estimations des historiens quant à leur nombre fusent, allant de quatre à seize Raimond entre 1060 (naissance du premier) et 1327 (mort du dernier). Cependant une étude plus sérieuse en compterait sept :
- Raymond I (règne de 1087 à 1120).
- Raymond II, son fils (règne de 1120 à 1175). Sous son règne, le territoire des Mévouillon est découpé en deux parties. Ainsi naissent « les Baronnies ». La seconde Baronnie établira son siège à Montauban, dans la vallée du Ruègne, à seulement 2 km à vol d’oiseau de la forteresse de Mévouillon mais séparé par une montagne tout de même. Rapidement, les deux Baronnies deviennent rivales, donnant lieu à de nombreux conflits pendant deux siècles parfois apaisés par mariage entre cousins !
- Raymond III (règne de 1175 à 1237). Plutôt malin, celui-ci profitera du séjour de Frédéric Barberousse en Arles pour s’y faire couronner roi de Bourgogne et de Provence en 1177. Il se fait remarquer et érige un an après la Baronnie de Mévouillon en « principauté immédiate de l’empire ». La Baronnie de Montauban ne bénéficia pas de ce privilège, ce qui dû susciter moult rancoeurs par la suite. Durant le règne de Raymond III, la famille accroît sa puissance grâce à la « croisade des Albigeois », lancé par la papauté et la couronne de France à l’encontre des Raymond de Toulouse. Affaiblis, ces derniers n’exercent plus de tutelle sur les Mévouillon, les laissant ainsi quasiment indépendants.
- Raymond IV (règne de 1237 à 1263). Durant son règne, il doit lutter contre son voisin, le Dauphin Guigues de Viennois et essuyer le siège des Dauphinois en 1250. Comme ses prédécesseurs, il abdique en faveur de son fils pour des problèmes financiers. L’entretien de la Baronnie coûtant cher, ces problèmes ne sont que le début de ce qui mènera à perte les Mévouillon.
- Raymond V (règne de 1263 à 1274). Habitude de famille oblige, il abdique lui aussi mais n’a pas d’héritier mâle. Il lègue donc son titre à son frère Raymond (Raymond VI).
- Raymond VI (règne de 1274 à 1281). Assailli par les difficultés financières, il s’en débarrasse en abdiquant en faveur de son fils.
- Raymond VII le dernier. Echouant à renflouer les caisses de la trésorerie comme l’espérait si bien son père, il est contraint de vendre des franchises et libertés importantes aux habitant du Buis (sa capitale). Cela ne suffisant pas, c’est sous la honte (pour une famille d’épée) qu’il finit par vendre sa Baronnie tout d’abord à l’évêque de Die Jean de Genève en 1291 pour finalement se rétracter deux ans plus tard au profit du Dauphin Humbert de Viennois. Raymond meurt en 1330 à Carpentras, empoisonné littéralement et physiquement par les tracasseries et rancoeurs de sa famille, furieuse de voir le territoire de leurs ancêtres entre les mains du Dauphin. Par vengeance, un neveu de Raymond VII (un Agoult des Baux) alla jusqu’à soudoyer le cuisinier de son oncle pour l’empoisonner. La tentative échoue et en guise de punition, le cuisinier fut attaché nu derrière un cheval et tiré jusqu’à en perdre la chair sur ses os.
C’est donc avec la mort de Raymond VII et de gros problèmes de trésorerie que la famille des Mévouillon perd son indépendance politique. Ne reste que le nom des Baronnies attaché à la région pour rappeler la belle époque. Avec l’indépendance, s’endort le nom de cette grande famille, laissant derrière elle un petit village de hameaux : Mévouillon.
Source principale : « Les Baronnies » par Patrick Ollivier.
Illustrations : plan du fort de Mévouillon au milieu du XVIIe siècle (extrait) en haut de page. Armes des seigneurs de Mévouillon : d’hermine au chef de gueules chaussé.
Publié le: 28 janvier 2011 (mis à jour le 09 sept. 2021)
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