La Baronnie des Mévouillon

Quatre siècles de règne

Un modeste aperçu de l'histoire de la Baronnie des Mévouillon, ou comment une famille a régné pendant 4 siècles sur les Baronnies Provençales. Il faut noter qu'avant Raymond III peu de faits établits subsistent, la généalogie de la famille reste confuse et les historiens ne sont pas tous d'accord entre eux...

L’histoire de la famille des Mévouillon s’étend sur quatre siècles. A l’origine, c’est une tribu gauloise, les Médulles qui va donner son nom à la célèbre famille. Au Vème siècle avant JC, cette tribu va participer à l’expédition du chef gaulois Bellovèze en Italie et fonder la ville de Mediolanum, plus connue sous le nom de Milan. Ce n’est que 1500 ans plus tard qu’émerge une famille parmi les Médulles...

Domina Percipia

Le premier personnage à marquer l’histoire de cette famille sera une femme, Domina Percipia! Même si elle n’a pas elle-même constitué l’empire des « Mévouillon », elle a su récolter le fruit des travaux de ses ancêtres et conforter sa position en créant la Grande Baronnie. De bonne noblesse, ses sœurs ont ajouté à la gloire du nom en épousant un Orange et un Peytieux (qui donna naissance à Diane de Peytieux / Diane de Poitier). Si l’histoire se souvient du nom de Percipia, elle a néanmoins oublié celui de son époux, donnant lieu à quelques hypothèses sur son identité, la plus probable restant Geoffroy de Volonne. Elle résida à Poietium (1060) petit village des Baronnies qui lui rendit hommage bien des années plus tard puisqu'il est connu de nos jours sous le nom du Poët-en-Percip (Castrum de Poyeto dam Percipia en 1293, Poyetum de Percipia en 1415, Poet d'Ampercip en 1788).

L’empire des « Mévouillon » s’étend à l’époque sur toute la Grande Baronnie et atteint la taille d’une province délimitée au sud par le Ventoux, le plateau d’Albion et la montagne de Lure, à l’ouest par la plaine du Rhône, à l’est par le Buëch et au nord approximativement par le Diois. Les villes et villages actuels tels que Montbrun les Bains, Reilhanette, Buis les Baronnies ou encore Nyons faisaient partie de la Grande Baronnie.

De son mariage, Percipia a eu quatre enfants, dont un fils, Ripert, par qui la seigneurie des Mévouillon va vraiment asseoir sa notoriété. Evêque de Gap mais aussi homme marié, il va trafiquer avec les biens de l’église et ainsi s’en faire révoquer en 1063. Percipia ayant fait de son vivant donation de son territoire, Ripert va profiter d’un confortable domaine et s’autoproclamer Baron de Medhulensis.

En 1082 lui succède son fils, également prénommé Ripert. Mais le suivi de l’histoire devient compliqué, la famille des Mévouillon ayant la fâcheuse manie de nommer deux ou trois de leur fils par génération Raimond (ou Raymond). Les pistes deviennent difficiles à suivre ainsi. En outre, les filles étaient souvent appelées Galbruge, ce qui augmentera encore la confusion dans les repérages biographiques des Mévouillon.

Ainsi, les estimations des historiens quant à leur nombre fusent, allant de quatre à seize Raimond entre 1060 (naissance du premier) et 1330 (mort du dernier). Cependant une étude plus sérieuse en compterait sept.

Grandeur...

Raymond I qui règne de 1087 à 1120. Il est le père de Ripert III, ascendant d'une branche cadette, les Mévouillon-Lachau.

Raymond II son fils (de 1120 à 1175). Sous son règne, le territoire des Mévouillon est découpé en deux parties. Ainsi naissent « les Baronnies ». La seconde Baronnie établira son siège à Montauban, dans la vallée du Ruègne, à seulement 2 km à vol d’oiseau de la forteresse de Mévouillon mais séparé par une montagne tout de même (Montauban sur l'Ouvèze depuis 1920). Rapidement, les deux Baronnies deviennent rivales, donnant lieu à de nombreux conflits pendant deux siècles parfois apaisés par mariage entre cousins !

Raymond III (de 1175 à 1237). Plutôt malin, celui-ci profitera du séjour de Frédéric Barberousse en Arles pour s’y faire couronner roi de Bourgogne et de Provence en 1177. Il se fait remarquer et érige un an après, la Baronnie de Mévouillon en « principauté immédiate de l’empire ». La Baronnie de Montauban ne bénéficia pas de ce privilège, ce qui dû susciter moult rancœurs par la suite. Durant le règne de Raymond III, la famille accroît sa puissance grâce à la « croisade des Albigeois », lancé par la papauté et la couronne de France à l’encontre des Raymond de Toulouse. Affaiblis, ces derniers n’exercent plus de tutelle sur les Mévouillon, les laissant ainsi quasiment indépendants.

Raymond IV (de 1237 à 1263). Durant son règne, il doit lutter contre son voisin, le Dauphin Guigues de Viennois et essuyer le siège des Dauphinois en 1250. Comme ses prédécesseurs, il abdique en faveur de son fils pour des problèmes financiers. L’entretien de la Baronnie coûtant cher, ces problèmes ne sont que le début de ce qui mènera à perte les Mévouillon.

Raymond V (de 1263 à 1274). Habitude de famille oblige, il abdique lui aussi mais n’a pas d’héritier mâle. Il lègue donc son titre à son frère Raymond . Il se retira dans un couvent de dominicains, puis devint successivement évêque de Gap et archevêque d'Embrun. Il mourut au Buis (Buis les Baronnies) en 1294.

...et décadence

Raymond VI (de 1274 à 1281). Frère du précédent il est assailli par les difficultés financières, il s’en débarrasse en abdiquant en faveur de son fils.

Raymond VII le dernier. En 1288, un accord est signé entre les Raymond père et fils. Il rétrocède à son père, pour lui permettre de purger ses dettes, les châteaux de Barret sur Liourre, Aulan, Montbrun, Ferrassières, Châeau-Reybaud, Cotignac et Aiguillon. Échouant de son coté à renflouer les caisses de la trésorerie comme l’espérait si bien son père, il est contraint de vendre des franchises et libertés importantes aux habitant du Buis (sa capitale). Cela ne suffisant pas, c’est sous la honte (pour une famille d’épée) qu’il finit par vendre sa Baronnie tout d’abord à l’évêque de Die Jean de Genève en 1291 pour finalement se rétracter deux ans plus tard en se rapprochant alors du dauphin qu'il reconnaît comme suzerain. Quelques années après, fatigué des vexations qu'il éprouvait continuellement de la part du gouverneur du Comtat-Venaissin, il céda sa baronnie au Dauphin Humbert II, en 1317 sous la seule réserve de l'usufruit pendant son vivant.

Un neveu de Reymond, Agout de Baux, de la maison des princes d'Orange, fut particulièrement irrité de cette donation qui le privait de la plus belle portion de l'héritage de son oncle. Il suborna un cuisinier, qui se chargea d'empoisonner le baron. Surpris dans l'exécution de son crime, il fut arrêté, poursuivi et condamné à mort en 1323. Après l'avoir traîné nu sur une claie, attaché par les pieds à la queue d'un cheval, depuis la porte du château de Mévouillon jusqu'aux jardins de Villefranche, en le tenaillant sur tout le corps, avec des instruments tranchant on le pendit aux fourches publiques. Raymond meurt en 1330 à Carpentras, las des tracasseries et rancœurs de sa famille, furieuse de voir le territoire de leurs ancêtres entre les mains du Dauphin.

C’est donc avec la mort de Raymond VII et de gros problèmes de trésorerie que la famille des Mévouillon perd son indépendance politique. Ne reste que le nom des Baronnies attaché à la région pour rappeler la belle époque. Avec l’indépendance, s’endort le nom de cette grande famille, laissant derrière elle un petit village de hameaux : Mévouillon.

Le Fort de Mévouillon

Ce qu'on appelle aujourd'hui le "Fort de Mévouillon" est la proéminence rocheuse qui surplombe les hameaux de la commune de Mévouillon (voir image en tête de l'article). Il s'agit d'un ancien Castrum (ou castrum-castellum) des Mévouillon dont l’existence est attesté en 1095 (« in castro de Medoilo »), et au sommet duquel était édifié une importante forteresse. Celle ci fût détruite en Avril 1684 sur ordre de Louis XIV. Il ne subsiste quasiment aucune trace du castrum de nos jours hormis la trace de la chapelle castrale et un ayguier. D'après André Lacroix dans L'arrondissement de Nyons : histoire, topographie, statistique (1888): Une page de géographie du milieu du XVe siècle nous montre ce village, du canton de Séderon, au sommet d'une montagne taillée à pic d'un coté, avec surface plaine et boisée d'un quart de lieue de France en longueur et d'un huitième en largeur. Ses maisons touchaient au château fort dont elles n'étaient séparées que par une grosse tour ronde. Une autre tour carrée dominait vers le nord la cîme du rocher béant.

Des vestiges beaucoup plus anciens ont été révélés par la suite, qui attestent d'une occupation préhistorique de l'emplacement.

Armes des seigneurs de Mévouillon

  • D’hermine au chef de gueules chaussé.
  • D'hermine au chef d'or, chaussé de gueules
  • D'hermine, au chef d'or chaussé de gueules
  • D'hermine chapé de gueules (Raymond V sur son sceau en 1281)

Publié le: 28 janvier 2011 (mis à jour le 07 oct. 2023)

Auteur: Sources principales : « Les Baronnies » de Patrick Ollivier, «Châteaux médiévaux dans les Baronnies» de Marie-Pierre Estienne.

Photos: sceau: M.P. Estienne, blason: man8rove.com, plan: association « Pren-lo d’aise »